Le Hezbollah persiste et signe

Publié le par Ofek

Pierre Lefebvre- Primo Europe
 
 
Ségolène Royal a affirmé lundi, avant son départ vers l’Orient compliqué: « il n’est pas question de parler aux dirigeants du Hamas palestinien tant qu’il ne remplit pas les conditions posées par le Quartette et figure sur la liste des organisations terroristes ».Sur ce point, elle a tenu parole.
Quelques heures auparavant, au Liban, parlant du Hezbollah, elle avait martelé : « Personne, personne ne m'empêchera de continuer à dialoguer avec des représentants démocratiquement élus ».
 
Et elle a été servie au delà de ses espérances. Les enregistrements n’étant pas disponibles, personne ne pouvait dire si le député Ali Ammar a bien tenu les propos haineux qu’on lui attribuait. Celui-ci pourtant le confirme, lors d’une interview accordée à Isabelle Dellerba pour le journal Libération (Libération, Mardi 5/12/2006, p.10).
Ali Ammar ne revient sur ses propos tenus vendredi soir devant la candidate socialiste que pour les confirmer et enfoncer un peu plus le clou.
« En ce qui concerne le sujet qui a créé la polémique en France, je lui ai expliqué que nous avions en commun la résistance contre l’occupation nazie…le nazisme contre lequel nous nous battons au Liban est encore plus cruel que celui contre lequel vous vous êtes battus en France ».
 
Le départ de Ségolène Royal n’a en aucune façon modifié l’attitude de l’opposition pro-syrienne au régime de Siniora. Mis à part les retombées médiatiques en France, ce voyage n’aura servi à rien pour le Liban sinon à conforter les protagonistes dans leurs positions respectives.
C’est justement parce qu’il est inutile que ce voyage sert, à contrario, les intérêts de la candidate socialiste. Quoiqu’il se passe, elle pourra toujours s’en sortir en affirmant qu’elle a fait le maximum dans un minimum de temps.
Malgré les critiques actuelles de la droite pour des raisons bien évidemment électoralistes, il faut bien avouer qu’elle ne pourra jamais faire pire que d’attribuer à l’Iran « un rôle stabilisateur » comme l’a fait Douste, l’éternel gaffeur qui s'est révélé pourtant si prompt à faire la leçon à Ségolène.
Il faut se souvenir également que le gouvernement français n’aurait jamais interdit de diffusion Al Manar, la chaîne du Hezbollah, en France sans la mobilisation de plusieurs associations et du média disparu Proche Orient Info.
Et il conviendrait d’admettre que les défilés de ce mouvement dans les rues de Beyrouth comportent tous le salut nazi en signe de ralliement. La droite, comme la gauche, ne pouvait l’ignorer.
 
Ali Ammar a confirmé la teneur de son discours. Mais il reste improbable que Royal revienne se frotter à cet épineux problème.
Peut-on juste lui suggérer que le verdict des urnes ne confèrera jamais une légitimité pleine et entière.
Il en est ainsi du Hamas, certes « légitime » mais irrespectueux des décisions internationales.
Fin Septembre, lors d’un meeting à Vitrolles, elle déclarait « Le social et le national marchent ensemble et c'est l'Etat qui est garant de leur alliance ».
Non que Ségolène puisse être soupçonnée de collusion avec une idéologie tendance « Hezbollo-naziesque ». Ce serait inepte et profondément injuste.
Mais la quête de la popularité entraîne parfois à flirter avec ce qu’il y a de moins lumineux dans l’inconscient français.
Accoler les deux mots national et social, de surcroît à Vitrolles, est peut-être du grand art. C’est avant tout maladroit et profondément dangereux.
 
Israël n’a pas relevé
 
Beaucoup s’interrogent en France sur les raisons du silence officiel israélien à propos de ces déclarations en particulier et du Hezbollah en général.
Il faut le rapprocher d’un changement d’attitude et de discours de la diplomatie israélienne.
Tsipi Livni a donné ses consignes depuis quelques semaines : « Il ne faut plus faire aucun commentaire sur le Hezbollah ». Et, à part un ou deux ministres indisciplinés, vite rappelés à l’ordre, il faut dire que la consigne est relativement suivie en Israël.
C’est que la donne a changé et que l’on assiste à une offensive diplomatique israélienne, le tout dans une relative discrétion, ainsi qu’il sied aux grandes manœuvres diplomatiques.
 
Premièrement, la venue des démocrates aux USA permet, même si personne ne l’avouera, de faire une pause dans le conflit. Tout le monde attend la prochaine et inévitable inflexion de la politique américaine au Moyen Orient.
Mais il semblerait également qu’Israël soit bien décidé à ne rien faire qui puisse nuire à son image durant le conflit larvé qui s’étend au Liban.
Pour Israël, l’essentiel est désormais d’agir, avec les moyens de pression qui sont les siens, et ils ne sont pas minces, auprès des chancelleries occidentales afin de faire appliquer la résolution 1701. A tout le moins, parvenir à prouver qu’elle est inapplicable sur le terrain.
 
Lorsque l’ambassadeur israélien fut convoqué au Quai d’Orsay à propos des survols de l’aviation israélienne au dessus des positions de la Finul, chacun s’est cru autorisé à penser que la France tapait du poing sur la table.
Il n’en est rien, même si la diplomatie française à tenté de faire avaler cette couleuvre aux médias, il faut le dire, relativement bien disposés à diffuser une certaine version.
Quelques indiscrétions permettent tout de même de penser que l’ambassadeur Shek est venu avec un message clair : « occupez-vous du Hezbollah et de la frontière syro-libanaise, sinon… ».
La même chose pour le général israélien venu en France quelques jours plus tôt et qui portait dans sa valise autre chose que ses effets personnels. Avait-il quelques photos compromettantes pour la Finul II et donc, pour le prestige de Chirac ?
 
Virage à 180 °
 
Toujours est-il que nous assistons ces derniers jours à une offensive sans précédent en termes diplomatiques contre le Hezbollah, jamais nommément cité bien entendu, et, ce qui n’est pas le moins révélateur, contre la Syrie.
Que le président français s’en prenne à la Syrie n’étonnera personne. La mort d’un ami très généreux - même si Hariri était un personnage hautement corrompu - a tendance à perturber le jugement.
Mais la déclaration franco-allemande sur le Liban de ce jour à Mettlach comporte des termes qui ne peuvent tromper (Lire ci-dessous).
 
En bref, la Syrie est renvoyée dans ses cordes. C’est un refus catégorique des prétentions territoriales syriennes sur le Liban.
Elle devra se soumettre aux enquêtes du tribunal international.
Elle doit cesser tout approvisionnement en armes aux forces déstabilisatrices du Liban (comprendre le Hezbollah et ses alliés chrétiens).
 
Bizarrement, il n’est plus question de « guerre du Liban » cet été. Le terme « affrontements » lui a été préféré.
Une guerre doit être suivie d’un cessez-le-feu. Des affrontements, eux, peuvent éclater désormais sans justifier l’intervention immédiate d’une force internationale.
Le mot est moins contraignant. Gageons que le Hezbollah et son allié syrien auront reçu le message clairement et nettement.
 
Enfin, la Syrie est appelée à un « changement de comportement », terme qui peut, éventuellement, suggérer l’idée que la France et l’Allemagne ne serait pas fâchées d’un changement de régime à Damas.
 
Kofi Annan s’y met lui aussi
 
Il faut ajouter l’appel pressant à Kofi Annan pour que soit procédé au désarmement rapide des milices au pays du Cèdre. Annan avait anticipé les reproches qui lui sont, dans cette déclaration, publiquement adressés.
 
Dans un rapport de huit pages publié il y a 3 jours et destiné au Conseil de sécurité, Annan souligne « les insuffisances notoires » de l'équipement, de la formation et de la coordination des quatre services gouvernementaux libanais responsables de la surveillance des frontières.
« Il est évident qu'une assistance bilatérale est nécessaire pour aider le gouvernement à améliorer la sécurisation des frontières », explique Annan dans le rapport.
Il indique qu'il a été informé de la persistance d'un trafic d'armes à la frontière libano-syrienne.
Le Hezbollah devient isolé sur la scène internationale. Rajoutons à cela la volonté ferme du gouvernement israélien de maintenir le cessez-le-feu malgré les roquettes envoyées sur Sdérot depuis la « trêve » par les groupes islamistes.
 
Le silence d'Israël sur le Liban n'est bien entendu que médiatique. Tsipi Livni revient en France. Cette visite n'est pas due au hasard. Tout se trame en coulisse en une gigantesque partie de poker menteur. La Syrie et le Hezbollah n'ont pas les cartes en mains.
Les récentes crises internationales montrent hélas que ce n'est pas là qu'ils sont les moins dangereux.
 
Déclaration franco-allemande sur le Liban à Mettlach, le mardi 5 décembre 2006.
 
La France et l'Allemagne réaffirment leur attachement à un Liban uni, souverain, indépendant et démocratique dont la communauté internationale, par sa résolution 1559, a rappelé l'exigence.
Ce pays doit pouvoir exercer sa souveraineté dans ses frontières internationalement reconnues et sous l'autorité exclusive de son gouvernement.
A ce titre, la France et l'Allemagne expriment leur soutien déterminé au gouvernement légitime du Liban présidé par M. Siniora. Il est le produit d'élections libres, transparentes et équitables tenues en conformité avec la Constitution libanaise. Le Parlement libanais lui a marqué et lui maintient sa confiance. Il est l'interlocuteur de la communauté internationale.
La France et l'Allemagne appellent toutes les parties libanaises à la responsabilité, afin qu'elles retrouvent rapidement le chemin du dialogue, seul à même d'apporter des solutions aux problèmes dans le respect des institutions démocratiques du pays.
La France et l'Allemagne souhaitent la pleine mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 1595 instituant une commission internationale pour enquêter sur l'assassinat de M. Hariri. Elles considèrent que l'établissement d'un tribunal international est nécessaire à la punition des coupables.
Les deux pays, qui sont engagés ensemble dans la FINUL, souhaitent également la pleine mise en oeuvre de la résolution 1701 afin d'arriver à un cessez le feu durable et à une solution de long terme des problèmes qui ont rendu possibles les affrontements de l'été dernier.
Dans cette perspective, ils soutiennent les propositions faites par le secrétaire général des Nations unies et appellent toutes les parties concernées à coopérer pleinement avec lui. Ils encouragent le secrétaire général à présenter dans les plus brefs délais les propositions annoncées dans la résolution 1701, point 10, concernant le désarmement et la délimitation des frontières internationales.
La France et l'Allemagne appellent à la cessation de toutes les ingérences extérieures dans les affaires du Liban.
S'agissant de la Syrie, elles souhaitent que ce pays s'abstienne d'apporter son soutien aux forces qui recherchent la déstabilisation du Liban et de la région, et établisse avec le Liban une relation égalitaire et respectueuse de la souveraineté de chacun.
Conscientes que la Syrie a aussi de légitimes intérêts, ils lui demandent de contribuer à créer les conditions d'une paix juste et globale.
C'est par un changement de comportement que la Syrie peut espérer retrouver avec la communauté internationale, et en particulier les pays de l'Union européenne, les relations normales auxquelles elle aspire.

Publié dans Liban - Hezbollah

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